Si les vertus du cannabis peuvent aider à soulager certains symptômes du cancer et des effets de la chimiothérapie améliorant ainsi la qualité de vie des patients, les cannabinoïdes agissent aussi contre certaines formes de cancer.
Aux Etats-Unis, le nombre d’Etats où la vente et la consommation de cannabis à des fins thérapeutiques sont autorisées ne cesse de croître. Dernier en date, la Géorgie qui devient le 24ème Etat (en plus du district de Columbia qui correspond à la ville de Washington).
Si le cannabis y est désormais disponible sur ordonnance, c’est qu’il a fait la preuve de sa capacité à soulager les symptômes de certaines pathologies et notamment ceux du cancer, ainsi que ceux provoqués par la chimiothérapie : réduction de la douleur, des nausées, des vomissements, amélioration de l’appétit, de l’humeur, du sommeil. Mais pour certains de ses promoteurs, le cannabis serait bien plus qu’un traitement de confort.
Effet anti-tumoral des cannabinoïdes
L’existence d’un effet direct, curatif et non simplement symptomatique sur le cancer, est de plus en plus fréquemment invoquée par les partisans de l’usage thérapeutique du cannabis. A l’origine de cet emballement, des travaux en laboratoire montrant que certains cannabinoïdes, molécules actives de la plante de cannabis, auraient la capacité de détruire les cellules tumorales.
Cette piste thérapeutique du cannabis, certes prometteuse, est largement relayée voire dépassée par un effet d’annonce et l’on peut désormais lire sur des blogs que « l’utilisation d’herbe permettrait de détruire les cellules cancéreuses et ainsi stopper la propagation de la maladie dans l’organisme ». Des injonctions qui s’appuieraient sur les recommandations du NIH, le très sérieux Institut national américain du cancer. Mais que dit vraiment le centre de recherche américain sur ces prétendues vertus ?
Des études encourageantes sur les cellules et les animaux
Selon le NIH, qui l’écrit en toutes lettres sur son site Internet, le cannabis a fait la preuve d’un effet anti-tumoral en laboratoire. Des études sur des cellules de souris et de rats ont ainsi montré que les cannabinoïdes pouvaient inhiber la croissance des tumeurs en causant la mort des cellules cancéreuses, en bloquant leur division ou encore en empêchant l’angiogenèse (production de vaisseaux pour nourrir la tumeur) tout en protégeant les cellules saines.
L’étude du delta-9-THC, sur des modèles cellulaires et des souris a ainsi montré un effet anti-tumeur de ce cannabinoïde sur des cellules cancéreuses du foie. Le delta-9-THC agit sur des molécules également présentes dans les cancers du poumon non à petite cellule et les cancers du sein.
Des travaux de laboratoire ont également porté sur l’effet du cannabidiol (CBD), autre famille de cannabinoïdes, sur les cancers du sein montrant notamment sur des souris porteuses de cancers du sein métastasés que le CBD pouvait entraîner la diminution de la taille, du nombre et de la dispersion des tumeurs.
Enfin une étude portant sur des gliomes humains (tumeurs cérébrales) a montré qu’administrés en association avec la chimiothérapie, le cannabidiol et le delta-9-THC pouvaient augmenter l’effet des traitements médicamenteux et notamment du temozolomide (Temodal©).
Pas d’études cliniques sur l’homme pour l’heure
Si les travaux sur les animaux et modèles cellulaires vont bon train et montrent des résultats encourageants, il n’existe pas pour l’heure d’étude clinique (études sur l’homme) portant sur un effet curatif du cannabis. Aucune, si ce n’est une très petite étude datée de 2006 portant sur l’injection intratumorale de delta-9-THC chez deux patients atteints de gliomes récidivants rapportant une activité antitumorale « probable » du cannabis selon les conclusions des auteurs, nécessitant confirmation par de plus amples travaux.
Des études épidémiologiques contradictoires
En dehors de ces études interventionnelles, l’effet du cannabis sur le cancer a fait l’objet d’importantes études épidémiologiques, c’est-à-dire d’études rétrospectives portant sur des populations de taille importante et recherchant un lien entre la consommation de cannabis et la survenue de cancer. De ce côté, les résultats des différents travaux sont contradictoires et bien que des études in vitro aient fourni des arguments solides quant à un effet carcinogène de l’inhalation de marijuana (le fait de fumer), les preuves épidémiologiques d’un lien entre l’usage de cannabis et le cancer ne sont toujours pas faites.
Dans le cas des cancers du poumon, une vaste étude menée en Afrique du Nord en 2005 a montré une augmentation significative des cas de cancers chez les consommateurs fumant du cannabis avec du tabac. À l’inverse, une étude américaine de 1997 portant sur 64.855 hommes âgés de 15 à 49 ans n’avaient pas montré d’augmentation des cas de cancers du fumeur (bouche, larynx, poumon…).
De même, l’analyse en 2014 de neuf études étasuniennes et latino-américaines portant sur près de 10.000 sujets a montré que, par rapport à ceux qui n’en avaient jamais fumé, les fumeurs de marijuana avaient un risque accru de cancers oro-pharyngés, mais un risque moindre de cancers de la langue.
Enfin, selon la dernière étude répertoriée par le NIH le 16 juillet 2015 et effectuée la même année, l’étude sur 84.170 hommes californiens d’un lien entre la consommation de cannabis et le cancer de la vessie, les consommateurs de cannabis auraient un risque de développer un cancer 45% moindre que les non consommateurs.
Des effets possibles comme adjuvant à la chimio, mais pas comme traitement direct
Le NIH reste encore très prudent quant à l’usage thérapeutique du cannabis, rappelant que si la substance est légalisée par certains Etats, elle reste illégale, d’après les lois fédérales, sur le territoire américain. La société savante reconnaît un possible effet comme adjuvant aux traitements, sans émettre de recommandations pour autant. Deux médicaments à base de cannabinoïdes (dronabilone et nabilone) sont autorisés par la FDA dans la prise en charge des nausées et vomissements liés à la chimio.
Oui, « le cannabis et les cannabinoïdes peuvent avoir un bénéfice dans le traitement des symptômes du cancer ou des effets secondaires de la chimiothérapie : atténuer la douleur, les nausées, l’anxiété et la perte d’appétit », peut-on lire sur le site gouvernemental. Mais « Non, à l’heure actuelle, il n’y a pas suffisamment de preuves pour recommander aux patients d’inhaler ou d’ingérer du cannabis comme traitement de ces symptômes ».